Pour fêter saint Benoit

Les bénédictins tiennent de saint Benoit (480-550) leur nom et leur forme de vie monastique, inaugurée en Italie centrale et répandue ensuite partout dans le monde.
Le 13 février 1790, un décret de l'Assemblée constituante supprime, en France, les ordres religieux à voeux solennels. Les bénédictines de l'abbaye du Val de Grâce étaient alors au nombre de 23 : 16 relgieuses de choeur, 5 soeurs converses et 2 novices.
La vie bénédictine est réintroduite une quarantaine d'années plus tard, à Saint Pierre de Solesmes, par Dom Prosper Guéranger (1805-1875), le grand rénovateur de la liturgie et du chant grégorien.
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Tous ceux pour qui la langue française n'est pas seulement une juxtaposition de mots mais une musique, ont inévitablement, un jour, rencontré Jacques Perret (1901-1992) qui, au fil de ses romans et chroniques, a si magnifiquement fait chanter notre langue. Dans les "cheveux sur la soupe" il confiait : " Quand j'étais gamin, on me disait déjà que trop questionner les gens n'était pas poli. Mais il est dans la nature humaine de poser sans cesse des tas de questions qui témoignent de son inquiétude fondamentale. Ainsi, moi, aussi peu inquiet que je paraisse, je m'interroge tantôt sur les fins dernières de l'homme et tantôt je me demande où vont les gâteaux que le patissier ne vend pas."
La fin dernière de l'homme - non celle qui l'intéresse en dernier, mais celle qui est pour lui essentielle - c''est la gloire de Dieu.
Les derniers mots adressés à ses moines par Dom Jean Roy, deuxième Abbé de l'abbaye Notre Dame de Fontgombault, mort en 1977, furent pour leur rappeler que la fin de la vie humaine est de "rendre magnifiquement gloire à la Sainte Trinité". Cela explique la vocation de la vie des bénédictins : vaquer à Dieu seul dans la solitude et le silence; rechercher Dieu dans l'office liturgique, l'oraison nourrie de la "lectio divina" et dans le travail quotidien; mener une vie de communauté animée par la charité sous la direction paternelle de l'Abbé. Le moine bénédictin s'élève ainsi au dessus de son époque, non par mépri,s mais pour lui donner une âme.
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Marcelle Gallois est né le 22 septembre 1888 à Montbéliard, dans le Doubs, où son père était sous-préfet. En 1907 elle entre à l'école des Beaux-Arts de Montpellier et, en 1909, à celle de Paris. En 1914, apès avoir entendu une conférence de Dom Besse, moine bénédictin de Ligugé, sur les offices de la Semaine Sainte, elle revient à la pratique religieuse. Douée pour la caricature, en 1914 et 1915, elle expose quelques dessins au salon des dessinateurs humoristiques. Le 21 septembre 1917, elle entre comme postulante au monastère des bénédictines de la rue Monsieur à Paris (en 1951, cette communauté s'installera à Limon, après un transit à Meudon de 1938 à 1951) et prend le nom de mère Geneviève. A partir de 1955, elle commence les vitraux de l'église abbatiale de Limon... oeuvre qu'elle poursuivra jusqu'à sa mort le 9 octobre 1962. Achevant le carton du dernier vitrail de la nef, qui représente une religieuse qui quitte ce monde pour entrer dans la vie éternelle, elle écrit à un correspondant : "J'aimerais que vous voyez à l'atelier la religieuse qui monte au ciel. Ne vous attendez pas à voir une demoiselle mystique : sa face toute ronde rutile d'une joie trépidante; c'est une âme saine; pas de dépression nerveuse; elle n'est pas maniaque, toquée, exaltée, c'est l'équilibre et le bon sens.. Les Anges qui la conduisent ont un sourire ouvert jusqu'aux oreilles; ces gens là ont dépassé le stade des réflexions profondes : ils nagent dans la radieuse et éternelle Enfance. Oh mon Dieu, que je meure ainsi, je vous prie."
J'ai vu la reproduction de ce vitrail.. J'avoue apprécier plus le commentaire que l'oeuvre elle-même... mère Geneviève me le pardonnera !
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Une religieuse artiste, cela se conçoit, mais une religieuse dont l'art débouche sur la caricature, est-ce acceptable ? Bien sûr.. dans la mesure où elle n'est pas plaisir malsain de souligner les défauts des autres, mais souci de les aider à se corriger.
Il y a bien des manières d'imiter Jésus. Mère Genviève l'a suivi dans son art de la caricature qui se manifeste parfaitement dans ce petit joyau qu'est la parabole du publicain et du pharisien : "Mon Dieu, je te rends grâce, parce que je ne suis pas comme les autres hommes.." Quoi de mieux finalement que la caricature pour remettre les choses à leur place, percer les faux-semblants, dégonfler les bouffis d'orgueil ?

Abbé Pierre Molin


** Une exposition, "Mère Geneviève Gallois, le génie et le voile" se tient au musée des Beaux-Arts de Rouen jusqu'au 23 août.

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