Le quatrième centenaire de l'arrivée des Carmélites en France

Marguerite Veny d'Arbouze, abbesse du Val-de-Grâce, reçut la bénédiction l'installant dans sa charge au carmel de la rue Saint Jacques, le premier carmel français de la réforme de sainte Thérèse de Jésus, dite d'Avila. Nous fêtons, cette année, le quatrième centenaire de la fondation du Carmel en France.

Au mois d'octobre 1604, arrivent faubourg Saint Jacques les premières carmélites venues d'Espagne. Elle devaient être quatre, en fait elles sont six.
Messieurs de Bérulle et de Brétigny, après de longues négociations avec le Père général des Carmes déchaux d'Espagne avaient obtenu que viennent en France quatre religieuses : Mère Agnès de Jésus, Isabelle des Anges, Béatrice de la conception du carmel de Salamanque et Anne de Saint Barthélemy, soeur converse du couvent d'Avila. Peu avant leur départ on se rendit compte qu'aucune ne parlait français. Même si l'on observe le silence plus que l'on ne parle dans un carmel, cela pouvait être gênant pour s'établir en France! On leur adjoignit alors une carmélite de Loeches (non loin de Madrid), à laquelle frère François de l'Enfant Jésus, célèbre dans toute l'Espagne par ses dons de prophéties, avait prédit dès 1599 qu'elle irait aux fondations de France. Elle s'appelait Eléonore de Saint Bernard et avait vingt cinq ans.
Née le 25 mars 1579 à Spa, où sa mère, Eléonore de Bavière, parente du Prince électeur, prenait les eaux, Eléonore de Saint Bernard était fille d'un gentilhomme génois, Jean Marie Corbari Spinola, fixé à Liège. Neuf ans plus tard ses parents s'installèrent en Espagne mais Eléonore avait bien profité de son enfance en pays francophone. Elle parlait et écrivait le français avec beaucoup d'aisance.
En passant par Burgos, pour gagner la France, une sixième religieuse se joignit au groupe : Isabelle de Saint Paul.
Aucune de ses religieuses n'était entrée au Carmel du vivant de sainte Thérèse (morte en 1582) à l'exception d'Anne de Saint Barthélemy. Elle a cinquante quatre ans, trente deux ans de vie religieuse et elle a vécu dans l'intimité de la fondatrice. Le Père général avait confié aux Français que cette humble soeur converses pourrait bien avoir l'étoffe d'une prieure. On ne lui en dit rien pas plus qu'à la Mère Agnès de Jésus qui s'y serait fermement opposée, refusant peut être même de partir... Pensez donc, une converse, une soeur du "voile blanc" c'est à dire une soeur réputée sans culture, de jugement médiocre...
Aussi, dès leur arrivée à Paris soeur Anne de Saint Barthélemy se met à ses fourneaux. Il faut initier les belles demoiselles rassemblées par madame Acarie aux usages du Carmel espagnol, en particulier aux délices de sa cuisine en leur faisant goûter la morue aux pruneaux ... Pierre de Bérulle, avec sagesse, les dispensera bientôt de cette trop rude épreuve !

Les vocations affluent et une nouvelle maison est fondée en 1605 à Pontoise. Malgré les objections de Mère Agnès de Jésus, les répugnances de sa propre humilité, Anne de Saint Barthélemy se laisse imposer le "voile noir" des religieuses du choeur et devient prieur de Pontoise. En 1608, elle fonde le carmel de tours, en 1612 celui d'Anvers qu'elle ne quittera plus jusqu'à sa mort le 7 juin 1626. L'Eglise l'a déclarée "bienheureuse".
Entre 1604 et 1792, trois cent quarante religieuses vécurent au carmel du Faubourg Saint Jacques. Parmi elles, soeur Louise de la Miséricorde plus connue sous son nom mondain : Louis de La Vallière.
François Marie Arouet, tout Voltaire qu'il était, lui rendit cet hommage : " Se couvrir d'un cilice, marcher pieds nus, jeûner rigoureusement, chanter la nuit au choeur dans une langue inconnue, tout cela ne rebute point la délicatesse d'une femme accoutumée à tant de gloire, de noblesse, de plaisir.." Et cela durant trente six ans
puisque, entrée au carmel en 1674, elle y mourut en 1710.

Dès 1607, soeur Eléonore de Saint Bernard, venue parce qu'elle parlait français, quitte la France et nous la retrouvons à Bruxelles, Louvain, Mons, Malines et finalement Gand. Comme bien des personnes cultivées de son temps elle fut atteinte de cette maladie qui causa bien des ennuis à la reine Anne d'Autriche : la correspondance. Nous possédons cent quatre lettres d'Eléonore de Saint Bernard, écrite entre le 24 février 1634 et le 28 décembre 1638.
Dans une lettre datée du 13 novembre 1635 elle note : "On nous a voulu faire accroire, il y a deux jours, que le cardinal de Richelieu est prisonnier de la part de son roi, mais je n'en crois rien, si vous ne me le mandez. Dieu veuille ôter de son Eglise, un si mauvais instrument"...
Le Seigneur attendra sept ans pour exaucer une aussi délicate prière ! Mais sept ans à l'aune de l'éternité ne font guère plus de dix minutes car, selon la Sainte Ecriture, pour Dieu mille ans sont comme un jour !

Abbé Pierre Molin

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