Bienheureux LANFRANC
 
Le bienheureux Lanfranc est né en 1005 dans la région de Pavie (au sud de Milan). Il étudie en Italie, qu'il quitte en 1030 pour la Bourgogne et la vallée de la Loire. Il est possible qu'il ait suivi les enseignements de l'école de Chartres et peut être même de Bérenger de Tours. En 1039, il est professeur à Avranches. Il s'oriente ensuite vers la vie monastique et entre, en 1042, à l'abbaye du Bec en Normandie, dont il devient, trois ans plus tard, prieur. La charge de prieur incluait la direction de l'école abbatiale. Le plus célèbre des élèves fut Anselme d'Aoste. Ce dernier, à la mort d'Herluin (fondateur de l'abbaye) deviendra le deuxième Abbé du Bec et, à la suite de Lanfranc, archevêque de Cantorbéry. En effet, Lanfranc après avoir été Abbé de Saint Etienne de Caen (1063-1070), termine sa "carrière" comme archevêque de Cantorbéry (1070-1089). 
 
Dans son encyclique "Fides et Ratio" (14 septembre 1998) Jean-Paul II évoquait ainsi saint Anselme : "Dans la théologie scolastique, le rôle de la raison éduquée par la philosophie devient encore plus considérable, sous la poussée de l'interprétation anselmienne de l'intellectus fidei. Pour le saint archevêque de Cantorbéry, la priorité de la foi ne s'oppose pas à la recherche propre à la raison. Celle-ci, en effet, n'est pas appelée à exprimer un jugement sur le contenu de la foi; elle en serait incapable, parce qu'elle n'est pas apte à cela. Sa tâche est plutôt de savoir trouver un sens, de découvrir des raisons qui permettent à tous de parvenir à une certaine intelligence du contenu de la foi. Saint Anselme souligne le fait que l'intellect doit se mettre à la recherche de ce qu'il aime : plus il aime, plus il désire connaître. Celui qui vit pour la vérité est tendu vers une forme de connaissance qui s'enflamme toujours davantage d'amour pour ce qu'il connaît, tout en devant admettre qu'il n'a pas encore fait tout ce qu'il désirerait : " J'ai été fait pour te voir et je n'ai pas encore fait ce pour quoi j'ai été fait".
 
Lanfranc, sans avoir la puissance intellectuel de saint Anselme, fut un auteur théologique fécond, surtout connu par sa controverse, à propos de l'Eucharistie, avec Bérenger de Tour (1000-1088).
Entre 1049 et 1079, pas moins de quatorze conciles en Gaule et en Italie traitèrent des positions de ce dernier sur l'Eucharistie.
En 1063 Lanfranc publie le "de corpore et sanguine Christi", réponse au "Scriptum contra Synodum" de Bérenger, qui est une rétractation de la rétractation qu'il avait dû faire à Rome en 1059.
Lanfranc réfute les thèses de Bérenger, pour qui le sacrement de l'Eucharistie est un "signe sacré" où le pain et le vin signifient le corps et le sang du Christ mais ne s'y identifient pas.
En défendant avec ténacité cette position Bérenger a provoqué, par contre-coup, une élaboration doctrinale qui mène à la doctrine de la transsubstantiation, mot adopté, pour la première fois au quatrième Concile du Latran (1215).
 
Le pape Paul VI a résumé la doctrine catholique de l'Eucharistie dans sa profession de foi faite au nom de tout le peuple de Dieu le 30 juin 1968, en conclusion du 19e centenaire du martyre des Apôtres Pierre et Paul :
"Nous croyons que la messe célébrée par le prêtre représentant la personne du Christ en vertu du pouvoir reçu par le sacrement de l'ordre, et offerte par lui au nom du Christ et des membres de son Corps mystique, est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels. Nous croyons que, comme le pain et le vin consacrés à la Sainte Cène ont été changés en son corps et en son sang qui allaient être offerts pour nous sur la croix, de même le pain et le vin consacrés par le prêtre sont changés au corps et au sang du Christ glorieux siégeant au ciel, et nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d'apparaître à nos sens de la même façon qu'auparavant, est une présence vraie, réelle et substantielle.
Le Christ ne peut être ainsi présent en ce sacrement autrement que par le changement en son corps de la réalité elle-même du pain et par le changement en son sang de la réalité elle-même  du vin, seules demeurant inchangées les propriétés du pain et du vin que nos sens perçoivent. Ce changement mystérieux, l'Eglise l'appelle d'une manière très appropriée transsubstantiation. Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit, pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d'exister après la consécration, en sorte que c'est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui dès lors sont réellement devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin, comme le Seigneur l'a voulu, pour se donner à nous en nourriture et pour nous associer à l'unité de son corps mystique."
En cette année 2005, proclamée par Jean Paul II année de l'Eucharistie, méditons ce magnifique texte en hommage au lointain combat du bienheureux Lanfranc.

Abbé Pierre Molin
aumônier émérite du Val-de-Grâce
 

RETOUR