L'organiste, témoin de la Parole en milieu hospitalier et acteur de la pastorale de la santé
"Même les servants, les lecteurs, les commentateurs
et ceux qui appartiennent à la Schola Cantorum
s'acquittent d'un véritable ministère liturgique"
Vatican II, Constitution sur la Sainte Liturgie

Au sein de la liturgie, c'est le ministère de la musique qu'assure l'organiste. Il soutient le chant de l'assemblée, il aide à prier et à se recueillir. Pour le père Duchesneau, l'organiste "est ministre d'une communion physique, sensible et spirituelle qui prépare, entoure, illustre et symbolise la communion eucharistique".
L'organiste a donc non seulement la fonction de soutien, d'aide à la prière et à la méditation, mais il contribue, par la "connexion avec l'action liturgique", comme le précise la Constitution sur la sainte liturgie, à relier l'assemblée et Dieu.

La présence d'un organiste dans une chapelle d'hôpital, catholique, civil ou militaire, doit recouvrir un caractère différent. Certes, il y a le service de la liturgie et la participation aux divers offices, mais cela doit aller plus loin.
Plusieurs organistes, titulaires de tribunes dans des chapelles d'hôpitaux (Paris, Londres et Rome), ont eu conscience que l'hospitalisation est assimilée à la détresse, à la souffrance et à la rupture avec le monde extérieur et qu'ils avaient dès lors une mission particulière à remplir.

Sans doute cette réflexion particulière s'inscrit-elle dans un mouvement plus général lié aux études sur la musique et la santé, la musicothérapie et l'influence de la musique dans le domaine de la néonatalité étant les exemples les plus couramment cités.

En l'année de grâce du Jubilé - « année de rémission des péchés et des peines dues au péché,
année de la réconciliation entre les adversaires, année de multiples conversions
et de pénitence sacramentelle et extra-sacramentelle » (Tertio millennio adveniente, 14) -,
j'invite les pasteurs, les prêtres, les religieux et les religieuses, les fidèles
et les hommes de bonne volonté à faire face avec courage aux défis
qui se présentent dans le monde de la souffrance et de la santé.
Jean-Paul II oct. 99

S'il existe des associations catholiques de médecins, d'infirmiers, de pharmaciens, des congrégations, hospitalités, associations diocésaines, la place de la culture, dans ce vaste mouvement que constitue la pastorale des services de santé, semble à ce jour vacante. Et les organistes, serviteurs de l'Eglise et instruments de la louange, ont un rôle à tenir dans le cadre d'un travail d'ensemble, constant et programmé.

Comme le souligne le père Angelo Brusco, l'aspect problématique de la technique appliquée aux soins et à l'assistance sanitaire se situe dans le fait qu'elle peut amener à négliger l'homme lui-même, alors qu'elle a pour mission de le guérir.

La présence de l'organiste et son travail, tant au sein de l'équipe d'aumônerie que de la structure hospitalière au plan général, s'inscrit dans un souci de témoigner de la parole du Père, et de contribuer à humaniser les conditions d'hospitalisation.

"J'étais malade et vous m'avez visité"
(Mt 25, 36).

Le rôle de l'organiste en milieu hospitalier doit donc répondre à une triple mission :
•il doit, par la musique, apporter la parole du Christ sauveur, témoin de l'amour infini du Père pour ceux qui souffrent
•il peut, par l'expression de son art, témoigner de la solidarité des chrétiens envers leurs frères éprouvés, apporter un réconfort, contribuer à une thérapeutique douce et humaniser un cadre souvent synonyme d'exclusion
•il peut, toujours par l'expression de son art, ouvrir l'hôpital vers le monde extérieur, la chapelle, par la participation de l'orgue aux offices ou à des concerts, devenant non seulement le lieu de rencontre et de dialogue avec le Père, mais aussi une fenêtre ouverte sur le monde des bien portants, sur la famille, c'est-à-dire un véritable sas conduisant de la souffrance à la vie, de la solitude à la communauté.

"Servir la vie, c'est servir Dieu en l'homme ; c'est être "collaborateur de Dieu
en redonnant la santé au corps malade" et c'est louer et rendre gloire à Dieu
dans l'accueil aimant de la vie, surtout lorsqu'elle est faible et malade"
Charte des personnels de la santé - 1995 - Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé

En 1354, à Alep, en Syrie, dans les dépenses de fonctionnement de l'hôpital, à côté des pommades et collyres, on découvre le montant du salaire payé aux musiciens. Quant à saint Camille, n'invitait-il pas Palestrina dans ses hôpitaux ?

Cela fait donc bien longtemps que les vertus de la musique sont reconnues et pratiquées, sa présence, de nos jours, dans les hôpitaux étant généralement acceptée, après n'avoir été que tolérée.

L'organiste, aujourd'hui, doit être animé d'une vision humaine de la maladie et comme chrétien, exprimer, par son art, le soutien et la solidarité du peuple des croyants. Sa musique doit témoigner de la Rédemption du Christ.
La musique n'utilisant pas le langage parlé, elle s'adresse au malade et lui "parle" sans que l'on puisse y voir la moindre trace de prosélytisme. Un choral de Bach, ou de Rinck, le Livre du Saint-Sacrement de Messiaen, une toccata per l'elevazione de Frescobaldi sont autant d'ouvertures à la parole du Père et à l'amour infini du Fils, les compositeurs étant ici de véritables intercesseurs.

Aujourd'hui, les séjours à l'hôpital sont de plus en plus courts, et pour certains malades, de plus en plus répétitifs. La musique doit aider à ce que, familiers de la structure hospitalière, ces malades puissent y retrouver, à chaque venue, quelques repères.
Sans doute, la solitude permet-elle de recevoir plus facilement un message artistique, d'être plus disponible à une manifestation artistique. Aux musiciens d'être attentifs.

"Médecins, pharmaciens, infirmiers et infirmières,
le personnel de la santé dans son ensemble ainsi
que les bénévoles sont appelés à être une image vivante du Christ
et de son Eglise dans leur amour envers les malades
et les souffrants, témoins de l'Evangile de la vie".
Charte des personnels de la santé - 1995 - Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé


L'organiste doit donc collaborer avec tous ceux qui, à des titres divers, côtoient le malade, l'accueillent, l'informent et le soignent. De même, lorsque des structures, certes légères, permettront à l'organiste d'être pleinement témoin et acteur, il devra participer à la réflexion commune au sein de l'équipe d'aumônerie.

Le rôle de l'orgue dans la liturgie, sa place dans le cadre d'animations diverses pourront être évoqués, en particulier l'audition d'orgue et l'heure spirituelle, que ce soit une courte audition après la messe dominicale, un récital d'orgue le dimanche après-midi, une heure spirituelle mariant textes et musique à Pâques et à Noël.

Quant aux malades qui ne peuvent quitter leur chambre, le lien entre celle-ci et la chapelle pourra être établi grâce au circuit interne de télévision, le malade pouvant alors suivre la manifestation en direct ou en léger différé. Cette organisation, possible à peu de frais, est entièrement tournée vers la volonté de faire partager au malade le moment créé pour lui.

Il conviendra également d'associer les enfants, peut-être par des visites d'instruments quand c'est possible, mais aussi par des répertoires particuliers, à l'aide du circuit vidéo ou de télévision. Rien qu'en France, selon une enquête de la Direction des hôpitaux, environ 1,4 million d'enfants de moins de quinze ans séjournent chaque année à l'hôpital, la quasi-totalité d'entre-eux étant hospitalisés en court séjour.

Ce ne sont là que quelques chemins possibles...

A propos d'Olivier Messiaen, le cardinal Lustiger a écrit : "Avec lui, nous mesurons la reconnaissance que le peuple des croyants doit à l'artiste capable non pas d'illustrer la foi, mais de faire chanter à des oreilles humaines le plus insondable et le plus inconnaissable langage. L'art est ici comme un vêtement, comme une chair de surcroît à cette chair qu'est la Parole divine, le Verbe incarné. L'art est ici surabondance de la Parole qui nous fait pénétrer dans l'au-delà de la Parole". Puisse chaque organiste suivre le chemin de son illustre confrère.

Ce texte, court et modeste, ne se veut être qu'une première contribution à la définition d'une liturgie de la musique, au rapprochement entre des tribunes d'orgues dont les animateurs désirent faire de la musique un lien et un moyen de partage, afin d'atténuer le traumatisme de l'hospitalisation, et d'être, pour le malade, au service des serviteurs de l'Homme libéré en Jésus-Christ, pour reprendre l'expression de l'Eglise de France.

Hervé Désarbre, FC
organiste du ministère de la Défense,
titulaire du Val-de-Grâce, Paris
mars 2000

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