Aristide Cavaillé-Coll
Aristide Cavaillé-Coll incarne la quatrième génération de facteurs d'orgues chez les Cavaillé. Pourtant, qui aurait pu prévoir, à sa naissance, la prodigieuse carrière de celui qui allait créer l'orgue romantique ?

Jean-Pierre Cavaillé, le grand-père, né à Gaillac, dans le Tarn, étudie l'orgue auprès de son oncle Joseph, dominicain et lui-même élève du grand Isnard. En 1767, il épouse la barcelonaise Maria-Francesca Coll ; le nom définitif de la dynastie, par la réunion de ceux des deux familles, se forme donc. Jean-Pierre construit notamment les orgues de Saint Guilhem-le-Désert, Castelnaudary et Montréal. Dominique Cavaillé-Coll naît de cette union en 1771 ; il sera facteur d'orgues également, travaillant entre autres en Espagne, à Toulouse et à Nîmes. Lui même a deux enfants, Vincent et Aristide, qui naît le 4 février 1811 à Montpellier.
C'est à Gaillac que les deux fils font leur apprentissage de facteurs d'orgues avant de s'établir, avec leur père, à Toulouse.
Installé avec sa famille dans la ville rose, le jeune Cavaillé-Coll suit son père sur les chantiers d'orgues, qui le mène entre autres en Espagne, et se familiarise ainsi avec le métier. Parallèlement, il est attiré par les mathématiques et les sciences, et bénéficie de l'aide et de l'enseignement de plusieurs figures locales du monde des sciences et des techniques : Urbain Vitry, un architecte en relation avec la Société d'Encouragement à l'Industrie Nationale, Boisgiraud, professeur de physique et polytechnicien, et deux ingénieurs des ponts et chaussées, Borrel, polytechnicien également, et Mallet, qui fera connaître à la S.E.I.N à Paris, pour le compte d'Aristide, une invention dont on ignore parfois que Cavaillé en est l'auteur : la scie circulaire ! Il met également au point, dans l'atelier familial toulousain, l'ancêtre de l'harmonium, le poïkilorgue, un instrument à clavier et à anches libres. En 1832, l'illustre Rossini, de passage, leur rend visite et, enthousiasmé par ce nouvel instrument, il incite le jeune Aristide à entreprendre un voyage à Paris.
Lorsque Cavaillé-Coll arrive à Paris, l'année suivante, ce n'est pas en terre totalement inconnue. Le préfet de Haute-Garonne, Jacques Barennes, ami de Thiers, est l'un des soutiens de l'entreprise Cavaillé-Coll Père & Fils, et les polytechniciens auprès desquels il a étudié à Toulouse lui fournissent plusieurs lettres de recommandation. Le préfet le présente également à Prosper Faugères, écrivain, membre du cabinet de Thiers, qui deviendra vite un ami proche et fidèle.

Aussitôt dans la capitale, Cavaillé-Coll obtient un rendez-vous à l'Institut et rencontre plusieurs savants, dont Berton, Savard, Lacroix et Cagniard. L'assurance du jeune homme séduit, de même que ses idées nouvelles dans le domaine de la facture d'orgues et son intérêt pour les sciences -plus tard, il aidera le grand Foucault à mesurer la vitesse de la lumière-. Il apprend que les autorités décident de pourvoir la basilique de Saint-Denis d'un grand-orgue, le précédent ayant disparu dans des conditions rocambolesques. En quelques jours, il rédige un devis dont le contenu, par sa hardiesse et sa modernité, fait que c'est à lui, l'inconnu, le provincial, que le marché est confié. Il faut dire aussi que c'est Thiers qui tranche en sa faveur. Cavaillé-Coll est désormais lancé, et les chantiers de Notre-Dame de Lorette et de Saint-Roch se profilent déjà. Son père Dominique le rejoint, et durant huit ans, ils travaillent à ce chantier de Saint-Denis où se succèdent avatars, contretemps et retards. Si le budget s'en ressent, ces aléas n'ont pas que des côtés négatifs ; Cavaillé-Coll peut parfaire son devis, réfléchir, inventer, mettre au point, comme ce levier pneumatique que lui présente Charles Barker et qu'il adapte à Saint-Denis ; grâce à ce levier, la transmission est allégée et le jeu de l'organiste peut dès lors s'exprimer sans contraintes. Cette invention consiste à placer un petit soufflet, pour chaque touche, entre l'abrégé et le clavier, qui rend le toucher aussi doux que celui d'un piano, quel que soit le nombre de claviers accouplés. Le grand instrument de Saint-Denis, qui signe l'acte de naissance de l'orgue romantique, est révolutionnaire, et il est accueilli avec enthousiasme. Chopin figurera parmi les visiteurs.
Il est inauguré le 21 septembre 1841 et la commission de réception des travaux comprend : Luigi Cherubini, Gaspare Spontini, François Auber, Jacques Halévy, Michel Henry Carafa, Jean Victor Poncelet, le baron Armand Pierre Séguier, François Debret, Louis-James-Alfred Lefébure-Wély et Prosper Charles Simon, organiste de la Basilique. Outre la "machine Barker", les jeux harmoniques font leur apparition, ainsi que la boîte expressive.


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